La version originale (écourtée) de cet article a d’abord été publiée sur Noovo Info. Vous pouvez la consulter ici.
Il y a trois ans, alors que ma vie trouvait toujours de nouveaux moyens d'atteindre le fond, la grâce du destin m’envoya vers un gym de quartier, où je fus accueilli par une vraie communauté.
Je m'y trouve si souvent aujourd’hui que des langues taquines me taxeraient d'être marié avec les haltères et les poulies.
Et pourtant, ma relation à l’exercice a commencé d’un bien mauvais pied. Par une appréhension sans réserve à l’activité physique.
Au moins depuis l’école secondaire, où nous devions accueillir l’été avec une épreuve tant détestée et à laquelle personne ne pouvait échapper.
La mythique « course du mile », un minuscule 1,6 km qui suffisait pour faire trembler les plus sédentaires parmi nous. Je me souviens encore de l’anxiété grandissante à l’approche du cours d’éduc, de la torture ressentie à chaque tour de piste terminée, de la honte de toujours finir parmi les derniers.
Rien ne laissait présager que dans un avenir pas si rapproché, cet adolescent qui détestait tant bouger trouverait son réconfort dans la pratique du sport.
Ce dévouement soudain prit son envol au lendemain de l’ère pandémique, alors que l’habitude me confinait encore derrière des murs étroits, face aux démons qui tiraient mon âme vers l’abîme.
Je ne sais quelle force de l’esprit m’a transmis l’envie, un soir automnal, de remonter la rue St-Hubert jusqu’à un studio d’entraînement aux abords de Villeray.
J’y suis rentré sans attentes ni objectifs, laissant à mon corps la pleine liberté de suivre les programmes et les mouvements dictés par ma mentore bienveillante.
Tranquillement, au fil des semaines, je me voyais compléter des séances décuplant en intensité, osant même concourir aux entraînements de groupe et bien m’y débrouiller. Des heures qui m’offraient de brefs moments de clarté.
Un sentiment d’apaisement mental, ou oserais-je dire de bonheur, qui me sortait peu à peu du brouillard intérieur. Était-ce une fabulation de la conscience? Pour en avoir le cœur net, je suis allé creuser dans les connaissances léguées par les études savantes.
D’après des experts bien mieux formés, les bienfaits psychologiques de l’exercice physique s’expriment entre autres par la sécrétion d’endorphines, de dopamine et d’endocannabinoïdes.
Ces neurotransmetteurs, qui sont libérés pendant l’activité physique, permettent de réduire la douleur et l’inconfort en plus d’améliorer l’humeur et de diminuer le stress.
En 2018, The Lancet Psychiatry publiait une analyse transversale sur plus d’1,2 million d’observations pour investiguer le lien entre l’activité physique et la santé mentale.
À travers des sondages réalisés entre 2011 et 2015, des Américains de 18 ans et plus devaient répondre à la question suivante : « En pensant à votre santé mentale, qui inclut le stress, la dépression et les problèmes émotionnels, pendant combien de jours, au cours des 30 derniers jours, votre santé mentale n’était-elle pas bonne? ».
Après avoir contrôlé les variables physiques et sociodémographiques (âge, revenu, poids, diagnostic de dépression, etc.), les auteurs constatent que toutes choses étant égales par ailleurs, un répondant ayant fait de l’exercice vivait en moyenne 43 % moins de jours (1,5 jours de moins) en mauvaise santé mentale durant le mois, comparativement à celui ne faisant pas d’exercice.
Cette corrélation entre l’exercice et la santé mentale est observée parmi toutes les catégories d’âges, genres, groupes ethniques et revenus.
Si tous les types d’activités, incluant la marche, sont associés à une réduction de mauvais jours en santé mentale, les exercices à forte intensité (sports d’équipe, cyclisme, exercices aérobiques et en salle de gym) sont ceux qui procurent le plus grand effet positif.
À partir des données, les auteurs déterminent que la durée d’entraînement optimale sur la santé mentale se situerait à environ 45 minutes par séance (avec un point de saturation au-dessus de 90 minutes), de trois à cinq fois par semaine, pour un total de 120 minutes à 360 minutes d’activités physiques hebdomadaires.
En février 2023, après avoir recensé 1 039 essais cliniques auxquels ont participé plus de 128 000 personnes, les auteurs d’une revue parapluie publiée dans le British Journal of Sports Medicine annonçaient en grande pompe leur trouvaille : l’activité physique était environ 1,5 fois plus efficace que la médication ou la thérapie cognitivo-comportementale pour combattre la dépression et l’anxiété.
Je laisserai aux mieux instruits le soin de débattre des bien-fondés de ces mots grandioses. Au-delà des hyperboles, les grandes lignes de l’étude confirment les constats évoqués dans le Lancet Psychiatry.
L’activité physique a un effet positif de taille moyenne sur la réduction des symptômes de dépression et d’anxiété à travers toutes les populations cliniques.
Bien que tous les modes d’exercice soient bénéfiques, les exercices de résistance offriraient le rendement le plus élevé sur les symptômes de la dépression, alors que les activités « de corps et d’esprit » tels que le yoga seraient les plus salutaires pour l’anxiété.
Plus récemment, un article publié le février dernier dans The BMJ continue de montrer l’efficacité de l’exercice comme traitement à la dépression. Au moyen d’une méta-analyse en réseau couvrant 218 études faites sur 14 170 participants, les auteur(e)s ont tenté d’identifier les modes et les dosages d’exercice optimaux pour contrer la dépression.
Individuellement, la marche/course, le yoga et l’entraînement musculaire s’avéreraient les plus efficaces. Les effets positifs sur la dépression semblent également augmenter avec l’intensité des activités prescrites.
D’ailleurs, les données suggèrent qu’en plus d’être efficaces, l’entraînement musculaire et le yoga sont les modes d’exercice suscitant le mieux l’acceptation et l’adhésion parmi les personnes souffrant de dépression.
Si nous ne pouvons identifier de mécanisme causal unique expliquant les retombées bénéfiques de l’activité physique, celle-ci favoriserait un ensemble de facteurs associés à une réduction des symptômes de la dépression.
Outre les phénomènes neurobiologiques, des combinaisons de facteurs tels que les interactions sociales, l’acceptation ou la pleine conscience, l’efficacité personnelle accrue et les affects positifs ressentis contribueraient à ce résultat.
Puisqu’aucune activité ne permet à elle seule de couvrir toutes ces variables, une planification proposant une variété de modes d’exercice serait idéale.
Enfin, les chercheur(e)s constatent que les programmes d’entraînement structurés, avec une direction claire sur les modes d’activité et l’intensité désirés, généreraient des résultats supérieurs à une approche laissant aux participant(e)s plus d’autonomie.
Ainsi, pour les personnes souffrant de dépression, les auteur(e)s recommandent la prescription d’exercices à haute intensité suivant un programme cohérent et structuré ou à travers des entraînements de groupe.
Près de trois ans après y avoir mis les pieds, le studio occupe encore une place prépondérante dans ma vie. Au fil des lectures éclairantes, je peux enfin comprendre ce sentiment profond de bien-être que je ressentais, mais ne pouvais encore comprendre.
Dans un monde où l’exercice est constamment assimilé à la performance et l’esthétique, où les premiers réflexes nous amènent vers les solutions pharmaceutiques, je souhaite rendre honneur à la mission du studio, celle de partager l’activité physique comme vecteur de mieux-être et de bonheur.