Gratitude envers les organismes d’aide à l’emploi
Le témoignage sincère d'un ancien bénéficiaire
Il y a quelques semaines, sous la plume de Tristan Péloquin, La Presse nous apprenait la volonté du gouvernement du Québec de réduire le nombre d’organismes d’aide à l’emploi à travers la nation, citant le faible taux de chômage et une baisse anticipée de l’achalandage. Face à cette vision gouvernementale s’est organisée une réplique syndicale dans le même quotidien cette semaine.
Je n’ai ni la volonté ni les compétences pour ajouter mon poids à l’un ou l’autre versant du débat. Je profiterai plutôt de ce temps pour témoigner à titre d’ancien bénéficiaire ce qu’un de ces organismes a apporté à ma carrière.
J’ai gradué à une époque où les mots rigueur et compression envahissaient encore le vocable quotidien. Après un voyage trépidant au pays de mes ancêtres et la réception de mes diplômes par la poste, je consacrai les mois suivants à la recherche d’un premier (vrai) emploi. Ne laissant rien filer, je sillonnai de fond en comble tous les portails, les foires, les services de placement, pour ne trouver que le désespoir.
Avant que le désert des offres publiées finisse par m’éteindre, je me devais de creuser de nouvelles digues et tranchées pour trouver un espoir. C’est alors que je fis la connaissance du Centre de recherche d’emploi Côte-des-Neiges, situé à quelques pas de mon université.
Cet organisme affirmait que seulement 20 % des emplois à combler seraient publiquement affichés. Nous pourrions ainsi accéder au marché « caché » où se trouveraient les 80 % si nous avions les bons outils pour le défricher.
Il va sans dire que je me suis présenté à leur séance d’information le scepticisme au plafond et les attentes au plancher. Je fis la rencontre de Marie-Andrée, alors conseillère en emploi du centre. La première de plusieurs Marie qui m’auront marqué.
Elle me présenta le programme phare de l’organisme, le Club de recherche d’emploi. Une session de groupe intensive de trois semaines où des participants triés sur le volet seraient soutenus dans leurs démarches en suivant ensemble des cours et des ateliers pratiques tous les jours. Je n’ai pu qu’apprécier l’hétérogénéité des groupes, qui accueillaient des personnalités de tout acabit et de toutes origines.
Des ex-proprios d’entreprise n’ayant pas rédigé de CV depuis au moins une décennie. Un procureur dans son pays natal voulant se reconvertir ici dans le travail social. Des immigrantes ayant bravé d’innombrables difficultés, pour se buter au mur insurmontable du manque d’expérience canadienne. Et bien d’autres parcours aussi riches qu’intrigants, auxquels s’ajoutait un ti-coune sans expérience qui vivait encore chez ses parents.
Dès les premiers jours, nous apprîmes à organiser de façon optimale notre CV. À rédiger des lettres de présentation personnalisées. Comment se préparer aux entrevues à l’aide de pratiques, d’exemples et de rétroactions. Comment réseauter, les bons mots à utiliser, les nombreux pièges à éviter. Tout ça pour préparer le nœud de la démarche : obtenir des rencontres d’information auprès d’employeurs potentiels.
Ces échanges formels ou informels pouvant nous apporter, à défaut d’un emploi, des renseignements, des pistes ou des références menant vers des débouchés. Pour obtenir cela, il fallait se retrousser les manches. Faire des démarches que les autres ignorent ou redoutent, telles que le recours aux appels à froid.
Chaque jour, pendant une quinzaine de minutes, nous nous retrouvions à la salle d’appel prêts pour la guerre. Je me souviens encore des mains moites, du cœur battant à tout rompre et de l'immense nervosité ressentis ces minutes-là. Mais nous avons tous survécu. À titre personnel, ces appels ont été le point de départ d'une démarche très fructueuse. Des rencontres enrichissantes, des lunchs (payés) avec des séniors qui prirent du temps de leurs journées chargées pour me réconforter dans mes choix, des références, et au final un emploi...
J’ai également subi les foudres de quelques illustres collègues connus et respectés qui ont déployé la même assurance qu’ils étalaient d’ordinaire à la télé, cette fois pour m’envoyer promener. J’avais même, cœur à la main, contacté un Vietnamien établi dans le domaine avec un discours bien préparé dans notre langue maternelle. Les cinq minutes les plus pénibles de mon existence. Comme quoi dans ce monde, il existe des individus qui, une fois leurs pieds rentrés, claquent la porte au nez des personnes qui les suivent.
Pendant trois semaines, une dizaine de personnalités, que rien ne réunissait à première vue, vécurent en communion leurs bonheurs, leurs détresses, leurs joies, leurs pleurs. Je me souviendrai toujours de Marie-Andrée, notre motivatrice en chef bien-aimée. De son sourire et son entrain. De son positivisme incessant qui permit, dans les moments désespérés, d’injecter la dose de courage nécessaire pour continuer.
Au terme du programme, au moins la moitié d’entre nous avait trouvé l’emploi désiré. La mémoire des noms, des visages qui ont participé à ces moments m’échappe graduellement depuis, mais l’esprit de corps qui y régnait demeure inoubliable une décennie plus tard. Était-ce le groupe, le programme ou Marie-Andrée ?
Je reste reconnaissant envers le centre pour avoir facilité ma transition de l’école vers la vie. Si mon expérience auprès de l’organisme n’a duré que trois semaines, je vous prie d’imaginer combien de dizaines de milliers d'individus de tels programmes ont pu aider à travers les années.